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Vixa Type 20 aéronavale

Août 14, 2023

– Le sauvetage de la montre du Cdt Bordes –
 
2 histoires en une pour cette rare Vixa type 20. Elle m’est arrivée dans les mains presque par hasard, il y de celà 4 mois alors que j’arpentais les allées de la foire des quinconces de Bordeaux.
 
Posé sur le bord d’une commode bordelaise je repère pour mon fils fan de chars d’assaut un curieux objet nommé épiscope, un genre de périscope de sous-marin mais pour tank. Le prix est attractif l’objet est beau, bakelite et miroirs en bon état, je prends. Le vendeur est sympa et semble bien connaître sa marchandise, en réalité il est prof d’histoire et donne un coup de main à son ami antiquaire à qui appartient le stand. Dans notre conversation je lui dis être horloger et amoureux des montres anciennes, là dessus il me dit regardez ce que je viens d’acheter sur le stand d’à côté, me sort une montre de sa poche, une authentique type 20. Il me chuchote à l’oreille « je l’ai eu pour 400 euros, elle traînait au fond d’une grande malle en cuir clouté, au milieu de vieux papiers ». Wow.
 
Je lui demande si dans le vrac de la paperasse il y aurait pu se trouver un document en rapport direct avec la montre. Le hic me dit-il, est que juste après avoir avoir payé la montre à son voisin de stand, un badaud a fait l’achat de la malle et a embarqué tout son contenu avec. Quel dommage !
Oui mais dans son malheur mon nouvel ami avait eu la présence d’esprit de prendre une photo d’un des papiers, figurant le nom d’un commandant, le pilote Bordes André-Jean, ayant d’après le document officié pendant la guerre d’Algérie. Le lien est établi, c’était sa montre à coup sûr, très intéressant !
 
Cette montre a une belle gueule, et de face je constate qu’elle n’a pas trop souffert. De dos figure des numéros m’indiquant qu’elle est de 54 et qu’elle devra être révisée 2 ans plus tard, une consigne d’entretien propre au cahier des charges de l’aéronavale. Une particularité qui a son intérêt, cette Vixa n’a pas été réformée, car pas de gravure FG (fin de garantie).
Vient l’ouverture, un moment critique. Le fond se dévisse aux doigts sans difficulté, et là que vois-je ? Un calibre oxydé et même rouillé par endroits, surtout il manque pas mal de pièces de la partie chrono. Cette montre a probablement dû servir de donneuse d’organes.
 
Je félicite tout de même son nouveau propriétaire, considérant la petite somme qu’il a déboursé pour l’avoir, une belle prise, chapeau bas ! Puis repart dans mon activité de chineur intensif.
2h plus tard je repasse devant son stand, le prof m’interpelle et me dit vouloir me confier la montre. J’hésite, lourdement, car j’ai déjà quelques chantiers en cours qui me donnent du fil à retordre, et pas vraiment envie de charger la mule avec une montre rouillée en plus. Il insiste, me dit qu’il a le tout le temps, 1 an s’il le faut. Bon dans ce cas, pourquoi pas ! Et me voilà reparti de Bordeaux avec une Vixa type 20 en poche, d’un nouveau client avec qui j’ai échangé à peine une demi-heure, et qui m’a pourtant fait spontanément confiance. Les hasards de la vie, le timing aussi.
 
Cette montre militaire est équipée d’un calibre Hahnart 41, allemand donc, et devenue montre de dotation française au titre des dommages de guerre. Le mouvement tacotte à peine mais il est sain. La lunette bloquée et le verre à changer. Rien de méchant jusque là. Concernant le chrono il manque au moins 6 pièces, mais ça n’est pas le plus grave. Le trou qui reçoit l’axe de marteau de remise à 0 du chrono est ovalisé, et bien sûr plus de filets apparents. Comme si ça ne suffisait pas un deuxième trou est à reprendre, celui de la bascule de compteur 30mn qui porte la roue intermédiaire. Que faire ? Avant toute chose réunir les pièces manquantes.
 
Grâce au concours d’un de mes clients marchand relativement doué pour trouver des pièces dites introuvables j’obtiens sans trop de peine : ressort moteur, axe de marteau, marteau, bascule, frein, vis et ressorts de cames complètent la montre. Pour les trous ovalisés faut pas que je me rate, c’est le gros enjeu de restauration de cette montre. Je vais puiser dans une boîte de bouchons pour réveil, le plus petit fera l’affaire, je n’en ai qu’un du bon diamètre et vu qu’il est long je vais le scinder en 2 d’un coup de scie bocfil + lime. Réaléser les trous est la première opération, la deuxième consiste à creuser un léger chanfrein pour accueillir la jupe de mon bouchon d’axe de marteau, et enfin chasser les bouchons en force ajusté serré. Je taraude ensuite mes 2 bouchons.
Le tout remonté je lance le chrono, stop et raz, constate que l’effort porté par l’axe de marteau est sacrément important, en cause le ressort de rappel, même si d’origine je le trouve très voire trop costaud. Pour être franc j’ai eu très chaud au moment du premier test de remise à 0. Mais l’axe encaisse finalement bien le choc, ma réparation tient, je suis content ! Divers réglages plus tard j’entame la fabrication du dernier élément manquant, le ressort plat de sautoir. Pour ça j’utilise une ces lames souples à façonner soi-même, d’un vieil assortiment Bergeon.
 
Après moult heures de travail la montre du commandant Bordes est finalisée, il ne le saura jamais. D’après les recherches du prof le pilote est décédé en 2002. Mais sa montre revit, et un peu de son passé militaire avec ! 😊
 

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