Les aventures du petit horloger – 26
Je vais vous conter la rencontre d’un brocanteur comme il s’en fait de plus en plus rares, un de ceux qui en bord de départementale vivent du passage des touristes en été et subsistent comme ils le peuvent le reste de l’année.
Nous sommes à Charron. Dept.17. Départementale 9
En arrivant je le vois à l’extérieur de sa boutique assis sur un banc clope au bec, c’est un cinquantenaire charpenté aux traits tirés et mains épaisses, chemise hawaïenne élimée et sandales en cuir poussiéreuses. Il a tout du broc. Et le genre faut pas me gonfler.
Je le salue d’un bonjour Monsieur enjoué et m’engage dans sa boutique colorée. Un couple de visiteurs présent s’intéresse à des vases en grès, me penche quant à moi sur quelques objets qui me sont familiers : machines à écrire type Remington, vieilles caméras et autres appareils photos du milieu XXe. Des chapeaux haut de forme, petits meubles restaurés et quelques créations aquatiques faites d’éléments de cuir viennent compléter ce cabinet de curiosités. Par contre pas d’objet horloger, si ce n’est en guise de déco de vieux goussets mêlés à des fleurs séchées, le tout emprisonné dans des cloches en verre.
Le propriétaire des lieux débarque, toujours clope au bec. Je me présente, suis horloger passionné de montres anciennes et accessoirement passeur de mémoire blablabla… . Puis il me dévisage à la manière d’un hypnotiseur. C’est à dire en me regardant droit dans les yeux, façon je scrute ton âme en profondeur LoL. Et enchaîne de sa grosse voix caverneuse « Vous êtes le deuxième à me rendre visite en 4 ans, des mecs comme vous, y’en a plus, pas plus que des lecteurs, y’en a plus, vous êtes un poète Monsieur ! » Je rigole.
Un bonhomme original, comme on en trouve beaucoup dans ce milieu. J’aime bien. Sous son air bourru je le trouve sympa. Il me laisse entendre qu’il n’a malheureusement rien pour moi, marque un temps d’arrêt, se retourne et finalement me sort d’un tiroir une petite montre de marque Etanche des années 40. Son cadran me plaît beaucoup. Des comme celles-ci j’en ai quelques-unes dans mon stock, pour pièces mais pas que, j’ai toujours été amateur des mini formats homme.
Je vais donc la prendre, lui demande son prix et, et ohhh surprise ! m’en fait cadeau. Par correction j’insiste pour le payer mais il refuse catégoriquement, et de surcroît me souhaite de bonnes vacances. Wow. Celà étant je lui propose alors une révision au tarif le plus bas, au cas où dans le cadre d’un de ses débarrassages une Rolex 5513 ferait surface. « J’en veux pas de Rolex ! » dixit mon nouvel ami « les Rolex moi je les coule dans le béton ! » Je rigole à nouveau et lui sers chaleureusement la main. J’ai en face de moi un chic type, un grand merci à lui !