Sélectionner une page

Tissot T12 et Tennis

Oct 20, 2025

Il était mince il était beau, il sentait pas vraiment le sable chaud mais la terre battue. Habitué des courts Antoine est mon adversaire du jour. Du haut de sa vingtaine il est taillé pour le tennis, élancé et tonique. Comme moi quoi, à la différence que j’ai un peu de bide, une trentaine d’années en plus, et une carrière sportive qui se résume à 2 tournois et 2 défaites dès le premier tour.

Il faut dire que j’ai touché ma première raquette il y a à peine 3 ans. Enfant issu d’un milieu populaire j’entendais souvent que le tennis était réservé aux riches, comme beaucoup je me contentais de le suivre à la télé. Je me rappelle d’ailleurs la première fois que le petit écran a débarqué à domicile, un poste Philips noir et blanc d’occasion que mon paternel avait racheté au serrurier d’en bas. A l’époque on doit rechercher les stations manuellement, ça prend des plombes et je suis impatient. La neige se dissipe et apparaît enfin une image presque nette. En cet instant je découvre à la fois le tennis et 2 joueurs, Matt Willander, et face à lui un joueur noir monté sur ressorts, un certain Yannick Noah. C’est la finale Roland Garros 1983, l’ambiance est folle je suis scotché de bout en bout. Willander subit les attaques et Noah exhulte de sa victoire en tie break, bondissant de partout sur le court.

Remonté comme un coucou j’espère en faire autant aujourd’hui, une Tissot T12 chrono au poignet, un short Adidas vintage à bandes et des Reebok aux pieds. Je jouerai fort je serai vif, changerai de rythme régulièrement, profitant de la moindre opportunité pour prendre l’avantage.

La rencontre démarre naturellement par un échauffement, on s’envoie d’abord des balles courtes dans les petits carrés, puis des balles longues et services alternés. En le voyant s’exercer je constate qu’il a un putain de bon service, académique et puissant. Le relever va pas être simple. On fait un pile ou face et c’est Antoine qui amorce le set. Je perds 0/1 en 3 minutes et ça fait mal. En cause son service. Apparemment le mien qui n’a rien de conventionnel le décontenance assez pour que je remporte le jeu suivant. On reste au coude à coude jusqu’à 5/6 et finalement 6/6. Presque tous les jeux ont été disputés à 40/40 et je suis liquide, trempé de sueur et mes lunettes embuées.

Tous ces efforts pour déboucher sur cette situation délicate que représente le tie-break. 7 petits points et l’un de nous deux gagnera le set. Une pause hydratation, un coup d’œil sur la T12 qui totalise déjà 58mn de jeu, et c’est parti ! 0/1, 0/2, 1/2, 1/3. Là je me dis faut que je m’arrache, alors je lâche de gros coups droits extérieurs et remonte à 3/3 et 4/3, mais il s’octroie les 3 points suivants, on tombe à 4/6. J’ai donc 4 et une méchante pression, le point décisif qui vient peut m’être fatal pour la suite du match. A mon tour de servir. Dans le filet, pas cool. Ma 2e balle passe, au croisement des lignes, mon adversaire peine à la reprendre et la lève. Je fonce vers le filet pour la récupérer à la volée façon Mc Enroe sauf que je joue sur lui, grossière erreur car elle me revient de fait lobée en fond de court, je cours la chercher et la renvoie à l’aveugle, elle atterrit par chance sans faute. A partir de là l’échange va être long, trop long. Ni lui ni moi ne souhaitons prendre de risques, on se met à jouer comme à l’échauffement. Nos balles sont molles, dans l’axe du court, et je prie pour qu’il se prenne le filet mais ça n’arrive pas. Alors je pars en croisé long sur son revers. J’ai beau marteler en décalant mes coups au plus près du couloir il ne fléchit pas, j’enchaîne sur une gauche et tente une action au filet. Qui rate. La balle me passe à gauche de la taille, quand je l’ai vu filer sur moi c’était déjà trop tard. Là, je suis franchement agacé.

Au 2e set la cadence de jeu monte encore d’un cran, et la tension avec. Chaque pause entre chaque point est l’occasion d’une réflexion, à commencer pourquoi j’ai perdu ce foutu 1er Set ? Et lui là ? Pourquoi il est pas essoufflé ? Qu’aurait fait l’impassible Ivan Lendl à ma place ? Et ma bio alors ? Celle que j’avais préparé en cas de réussite << malgré un début de carrière tardive ce garçon a tous les atouts pour devenir champion, on dit même de lui qu’il sera immanquablement réincarné en raquette…>> N’importe quoi !

Nous sommes à 3 jeux partout, pas moyen de le breaker, je suis sur les talons et décroche complètement, mon mental avec. 7/6 6/4, 2 sets à rien en sa faveur, voilà pour le bilan. Antoine a été meilleur, plus endurant. Point positif cependant, la Tissot T12 révisé de la veille a tourné chrono enclenché pendant toute la durée de la rencontre, et n’a pas failli d’une seconde. La prochaine fois c’est promis je lui offrirais une victoire !

Pour aller plus loin