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Pura Vida – 10

Nov 24, 2022

 
 
Les aventures du petit horloger – 10
 
Une recherche rapide sur internet me définit le Costa Rica tel un petit pays modèle : politiquement stable et sans armée, tourné vers l’écologie, etc… . La Suisse de l’Amérique Centrale disent certains. Arrivée en catastrophe à 1h du mat à San José, les enfants sont claqués et on a pas où dormir. J’aborde alors une mamie Taxi à qui j’explique mon désarroi, sympa elle nous décroche un appartement pour la nuit auprès d’une de ces vieilles copines, nous laisse même le choix car ladite copine possède tout un quartier à elle seule, le patrimoine hérité de ses parents ayant réussi dans l’exportation du café. Plutôt curieux le quartier, je repense à la notion de Suisse et j’ai un peu de mal à faire le rapprochement, ne serait-ce qu’en observant les habitations autour de moi, toutes barricadées au moyen de barreaux et barbelés militaires bien tranchants. Une des propriétés est même dotée d’un mirador, on se croirait dans un pays en guerre !
 
San Jose est une capitale qui reste à taille humaine, accompagné de mon fiston et de mon flair à montres nous allons la traverser à pied d’Est en Ouest. Les premières rues ont leurs trottoirs squattés par des bandes de jeunes désœuvrés un tantinet agités, au point que marcher au milieu de la route me semble préférable, je vais même jusqu’à retirer ma Breitling, probablement trop clinquante dans ces environs. L’hyper centre se découvre peu à peu, banques et bâtiments témoins du colonialisme espagnol apparaissent, et puis le Mercado central dans lequel nous allons nous engouffrer, un de ces vieux marchés couverts comme j’en ai vu à Mexico City, véritable labyrinthe avec comme seul repère central une grande statue de la Vierge Marie. Y’a foule, un peu désorientés c’est la lumière du jour au loin qui nous attire vers la sortie. Nous débouchons sur une rue que je qualifierais de miraculeuse, une première enseigne d’achat vente se présente face à moi, puis une deuxième, une troisième, ça n’en finit plus ! Des empeños aux noms évocateurs : Servicash, Prestamas, Prestafull, La Cueva et autant de prêteurs sur gages proposant des tonnes d’objets d’occas, enfin !
 
Le secteur est bouillonnant, ces magasins tournent à bloc, exploitent la misère des pauvres gens pris à la gorge qui se déssaisissent de leurs biens pour presque rien. Les vendeurs sont en nombre, ceux qui disposent de la marchandise la plus luxueuse travaillent carrément sous cage métallique et vitres blindées. Et devant chaque entrée, des vigils équipés de gilets pare-balles et Shotguns renforcent le climat d’insécurité de la zone.
J’ai pas fait trois pas qu’un vendeur m’accoste “qué buscas Caballero ?” sur un ton un peu agressif, la question me sera posée de la même manière à chaque enseigne, c’est lourd, j’ai pas envie de m’étaler sur mon activité, je fais mine de ne pas comprendre (toujours avec le sourire) et trace de vitrines en vitrines. Les montres sont là, et pas qu’un peu, de la Rolex à la Zodiac à quartz il y a du choix, par contre les prix sont indexés sur le pouvoir d’achat des ricains, et avec ma tête de gringo difficile d’éspérer une bonne ristourne sur les grandes marques. Pour exemples : 1800 dollars l’Omega Mark 2, 3000 et 2300 pour deux 1501, avec comme seule justification d’écart de prix de la part du vendeur “on fait des offres monsieur”. Mais ce sont les mêmes et dans le même état non ?! “Je sais” me dit-il. Bref du grand n’importe quoi, personne n’est qualifié ici, et tant mieux dans un sens, car si l’on met les grandes marques de côté il y a de quoi tirer son épingle du jeu : je vais négocier une Bullhead Citizen pour 95 dollars sous prétexte que les compteurs chrono sont bloqués (en fait les aiguilles sont trop enfoncées et touchent le cadran). Un peu plus loin je déniche une Rado état quasi nos cachée derrière un tas d’outils, 120 dollars au lieu de 200 (je prétends que le logo, normalement mobile, a été collé alors qu’il est légèrement grippé), puis encore ailleurs une plongeuse qualitative de marque Provita, mouvement As, pour 70 dollars après avoir mis en évidence le verre rayé et la couronne usée. Et enfin une belle Seiko à 45 car disque de jour bloqué et un vendeur manifestement plus intéressé (comme mon fils) par la castagne entre gros bras qui se profile au bout de la rue.
 
En clair des affaires correctes quand on est du métier : la Citizen et la Provita ne me posent aucun problème, le diagnostic des aiguilles bloquées était le bon, et j’ai de quoi polir les verres et des couronnes de rechange. Seule la Seiko se montre un peu capricieuse, le disque du jour (malgré que maintenu par son circlips) saute après chaque mouvement du poignet un peu violent. Il y a un poil trop de jeu, et pas de rondelles de calage dans ma trousse à outils, ne me reste donc plus qu’à en fabriquer une. Pour ce faire je vais prélèver le matériau de la bonne épaisseur (2/10 de mm environ) sur une capsule de café. Et ça marche ! Un test ultime de corde à sauter pendant 20mn finira par me donner entière satisfaction.
 
Côté nature le Costa Rica dispose de superbes plages et d’une biodiversité sans égale. Nous testerons la côte Caraïbes, Puerto Viejo et son sable noir de chez noir, certes il pleut toutes les après-midi, la connection wifi est mauvaise et il n’y a pas d’eau chaude mais on s’en moque, l’ambiance est bien meilleure que dans la capitale, barreaux aux fenêtres et barbelés ont disparu, tout est résolument plus cool ici, il faut dire qu’on est entourés de Rastas la Jamaïque n’est pas très loin 😉.

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