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En Géorgie – 21

Nov 25, 2021

Les aventures du petit horloger – 21
 
10h de vol et nous atteignons Moscou. La Russie devait être une escale mais faute d’obtention de visa elle n’est finalement qu’un transfert, et puis je me dis que la coupe du monde de foot à venir aurait pu rendre le séjour moins agréable. Nous atterrissons 5h plus tard en Géorgie, un pays qui m’est totalement inconnu et qui se révèle une bonne surprise. C’est déjà l’Europe, cette bonne vieille Europe, celle qu’on a quitté il y a 9 mois. Belle architecture ancienne qui cotoie le moderne, ruelles pavées dans le vieux Tbilissi où trône une belle horloge très originale à cadran décentré, en bref une atmosphère qui m’est familière de par son environnement. Et pourtant 15 ans plus tôt, ce pays à la situation politique complexe était le théâtre de règlements de compte entre groupes maffieux, se disputant le pouvoir au point de paralyser la capitale. A peine 2h d’électricité par jour, un manque cruel d’eau potable en plus de la crainte de se faire tuer à chaque coin de rue. De nombreux changements de gouvernement (avec l’appui intéréssé des occidentaux du fait des enjeux gaziers et pétroliers) permettront de chasser les fauteurs de troubles et progressivement redresser la situation économique du pays.
 
 
C’est donc dans une Géorgie apaisée que nous mettons les pieds. Tbilissi est d’ailleurs qualifiée de « Berlin des années 90 » par les inrockuptibles, c’est dire s’il y souffle un vent de liberté comme jamais auparavant. Mais curieusement, dans les allées centrales du marché aux puces (Dry Bridge flea market, ouvert 7j/7), ce sont encore les drapeaux de Staline qui flottent derrière les stands, à l’image d’une population plus âgée nostalgique du parti unique. Les vestiges de l’époque communiste ne manquent pas. Pas de kalach, mais un nombre impressionnant d’armes blanches et de pistolets de petit calibre (pour les Caucasiens, posséder une arme est un signe de virilité). Des stocks énormes de vieux composants électroniques, des appareils photos argentique dont les Zorki copies de Leica, des jouets en tôle si épaisse que même le pied d’un éléphant ne la plierait pas… . Et enfin ce que j’espérais trouver : des montres, essentiellement de facture soviétique.
 
 
Première trouvaille, une jolie Molnija calibre ЧК-6 (pré 3602, meilleure finition avec ponts anglés). Ce mouvement de première génération, produit de 1947 à 1964, est la copie des Rolex/Cortebert 618/616 qui équipaient les premières Panerai de la marine italienne. Mon acquisition date du premier trimestre 1952, et preuve de sa robustesse il tourne à la perfection avec une réserve de marche de 40h. Le cadran ne peut être d’époque, trop neuf, les Ukrainiens (spécialistes des cadrans refaits et des montages ingénieux) sont passés par là ! Quant au texte qui y figure « prolétaires de tous pays unissez-vous ! » j’avoue qu’il donne un cachet supplémentaire à la montre. La transaction se conclue à moins de cent euros, par une poignée de main des plus franches (mon interlocuteur au physique de lutteur m’a démonté l’épaule).
 
 
Dans la foulée je tombe sur une Zim, une division de la firme Pobeda. Le boîtier en acier massif et le mouvement équipé d’un balancier à vis sont des signes de qualité. Le calibre est une copie du R26, fruit de la collaboration entre LIP et la Biélorussie à la fin des années 50. Quid du cadran maçonnique ?! Je pense à une fantaisie post 90 destinée à l’exportation. Globalement réussie et en parfait état de marche je craque pour son originalité (90 Laris = 30 euros). Un peu plus loin, à même le pont et en plein soleil, plus vraiment des brocs mais des ramasseurs du style des abords des puces de Montreuil. L’un d’entre-eux me passe en revue sa petite collection directement issue des poubelles de la ville, me propose un réveil populaire Myr (Luch) en bon état. Pas vraiment ma came mais à 9 euros et parce que le gars m’a tout l’air d’être dans le besoin je n’hésite pas, j’ai en arrière pensée qu’il fait sûrement partie des classes moyennes qui ont été laminées suite au démantèlement de l’URSS. Un dernier tour de marché et c’est une de ces fameuses Komandirskie signée CCCP qui me sourit, 100 Laris non négociable (33 euros), ceci dit neuve avec boîte je capitule vite. Les papiers de douane permettent de la dater précisément : sortie des ateliers Vostok en Juin 91.
 
 
Après Tbilissi nous traversons le pays d’Est en Ouest pour rejoindre la mer noire et ses plages de sable magnétique aux vertus médicales (Ureki). Les paysages de Géorgie me rappellent la Corse par endroits, et son peuple le sens de l’accueil : tables toujours bien garnies, chants polyphoniques et nombreux toasts accompagnés de vin naturel, cognac et eau de vie. Des alcools artisanaux qu’il est d’ailleurs difficile de refuser afin d’éviter tout incident diplomatique ! Notre chemin se poursuit jusqu’à Mestia en passant par un des plus grands barrages au monde. Au loin les montagnes enneigées offrent un panorama superbe, c’est un peu la Suisse l’horlogerie en moins. De toutes façons dans un milieu rural comme celui-ci, porter une montre devient presque obsolète 😉

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