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En Tunisie – 1

Nov 28, 2022

Le premier pays visité dans le cadre d’un tour du monde en famille de 11 mois.
Départ début septembre 2017
Retour fin juillet 2018
 
Les aventures du petit horloger – 1
 
La Tunisie, incluant l’île de Jerba, soit un pays infesté par les montres de contrefaçon. Ici elles s’affichent de partout sans complexes, jamais cachées on les trouve aussi bien dans de petites bijouteries que dans de grandes enseignes nationales, et bien évidemment sur le bon coin local. De la Rolex Daytona jusqu’à l’Omega James Bond, en passant par ces fameuses Hublot chéries des joueurs de foot le choix est vaste, et mettre la main sur une vraie montre vintage relève du défi. Après Houmt Souk, Carthage et Sousse, ce n’est finalement qu’à Tunis que je trouve ma came, grâce à un marchand de montres croisé à Nice un mois plus tôt. Un Lybien à l’accent suisse qui tourne de partout en afrique du nord pour acheter et revendre ensuite au travers de salle des ventes genevoises. Et il est visiblement connu ici, car prononcer son nom face au premier véritable horloger rencontré m’a ouvert les portes des grottes d’Ali Baba.
 
Cet horloger je l’ai débusqué proche du marché central. Il est content d’avoir de la visite d’un confrère étranger et me fait la visite spontanée de son atelier, à vrai dire franchement éloigné des standarts helvétiques, je note d’ailleurs qu’il y a des cendriers pleins sur plusieurs établis et ça fait peur… . Je lui dis que je suis en quête de montres anciennes, il passe un coup de fil… . Arrive ensuite un jeune prénommé Wahid, un de ses neveux. Il parle bien français et sera désigné comme mon guide, m’entraînant aux abords de, et surtout dans la Médina, le coeur historique de Tunis. Ce véritable labyrinthe, arpenté la veille et sans succès regorge en fait de montres bien dissimulées dans des coffres ou tiroirs d’arrière boutiques, principalement des bijouteries. Pour y accéder il fallait donc un sésame, arriver de la part ou avec quelqu’un, c’est bel et bien la procédure dans le pays. Première halte face à une vitrine clinquante chargée de bijoux or 9K : on me propose quelques montres de luxe en super état mais toutes à quartz, et moi pas vraiment intéressé par les montres à pile.
 
Chez le marchand suivant je découvre posé sur le comptoir une Rolex Datejust années 70, sans aiguilles, verre défoncé, cadran ok et masse bloquée, il en demande l’équivalent de 900 de nos euros. Puis une Chopard Mille Miglia en bon état extérieur mais dont l’amplitude du balancier laisse à désirer, 800 euros, bref des montres jamais prêtes à porter, un poil trop cher et jamais négociables. J’ai le sentiment que ces autochtones me voient comme un américain du temps où ces derniers venaient acheter en masse chez nous, à St Ouen 15 ans en arrière et quand le dollar était au plus fort… . Après une bonne heure de marche Wahid me conduit dans une échoppe poussiéreuse, mal éclairée, et qui sent le narguilé à plein nez. Je ressens instantanément que je suis au bon endroit. Et mieux mon nouvel interlocuteur me donne l’impression qu’il m’attendait. Très souriant, sachant mettre à l’aise, m’offre le thé et après quelques bavardages me propose des pièces vintage qui me sont familières, le créneau des montres à moins de 1000 euros. J’en vise 22, mais au vu de la négociation qui commence à s’éterniser, n’en sélectionne que 18 pour atteindre la somme que jétais prêt à débourser.
 
Parmi elles j’ai flashé sur un mouvement, un magnifique chrono Valjoux 234 en parfait état de marche, celui monté sur la Tudor Monte Carlo des années 70, un qui je sais valoir plus de la moitié du prix des 17 autres. J’ai sorti 3000 dinars tunisiens pour ce lot, pas cadeau mais correct. Accompagnait le Valjoux : une  Zénith Port Royal, divers Landeron 48, Eta 2824/2, Valjoux 7734, Poljot 3133, deux Fe4611, un Tissot, un beau calibre Bulova à trotteuse centrale, ainsi que 2 boîtiers neufs et cadrans chronographe suisse pour Venus. A première vue l’état de l’ensemble des mouvements semble bon, et dans le métier que j’ai choisi, avoir du stock de pièces détachées est primordial.
 
Au travers des échanges que j’ai pu avoir avec les horlogers locaux j’aurais appris plusieurs choses :
 
1 La notoriété de Rolex, en Tunisie comme dans les pays du Maghreb s’est construite au travers de la contrefaçon de la marque, car les fausses là-bas sont bien plus répandues que les vraies, et ce depuis le début des années 80.
 
2 Parmi les horlogers rencontrés, deux d’entre-eux m’ont avoué n’utiliser qu’une seule huile, et ne parlons même pas des chronocomparateurs, peu s’en servent ou n’en connaissent même pas l’existence. Pour exemple mon guide Wahid, certainement commissioné pour son rôle de tour opérator, m’a dit que son job du quotidien consistait à changer des piles et à régler les montres mécaniques des clients de son oncle. Il en portait d’ailleurs deux à chacun de ses poignets, relève l’heure en début et à la mi-journée avant de procéder à une retouche définitive de la raquette en fin de journée, et basta cosi ! En clair de l’horlogerie approximative, mais après tout comment faisaient nos horlogers indépendants à l’époque ? Tous ne disposaient pas de vibrograph, travaillaient à l’œil pour évaluer la justesse de l’amplitude (ce qu’on apprend encore aujourd’hui dans les bonnes écoles) et avaient l’écoute assez fine pour évaluer un réglage d’échappement et de point mort à peu près correct. Ainsi on peut dire que beaucoup d’horlogers tunisiens travaillent encore à l’ancienne, pas de quoi les blâmer au contraire, ils font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont.
 
3 D’un point de vue du business de la montre vintage, et parce-qu’internet est disponible d’à peu près partout, nos amis tunisiens connaissent plutôt bien les prix pratiqués en Europe et de ce fait ne lâchent pas grand chose. Acheter pour rien ou presque rien n’est pas possible à moins de négocier mieux qu’ils ne le font, et quand on sait que c’est un sport national dans ces pays ! Je vais peut-être prendre quelques cours d’arabe dans un premier temps 😉

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