Les aventures du petit horloger – 13
Un train nous amène à la frontière Cambodgienne, de Bangkok à Poi Pet entourés de quelques travestis ou de trans j’en sais trop rien et j’irai pas leur demander non plus ! Un Tuk Tuk nous cueille à l’arrivée pour nous guider au poste de frontière… . Très curieux le poste, nous sommes les seuls touristes au deuxième étage d’un bâtiment commercial, le bureau est neuf et sobrement décoré, un portrait 4×3 du roi fraîchement imprimé à l’entrée, une enseigne « Visa Tourist » punaisé au mur et rien de plus. Les formulaires d’obtention de Visa précisent qu’on doit s’acquitter d’une taxe de 35 dollars, 5 de plus que le tarif stipulé sur internet. Pour couronner le tout les deux agents qui nous reçoivent sont en civils et tapotent sur des claviers d’ordis aux écrans bizarrement éteints. Alors malgré leur insistance à vouloir nous retenir nous décidons de faire volte face. Le vrai poste d’immigration est en fait situé 500m plus loin, avec des agents en uniforme, de vrais formulaires de Visa à remplir et la somme de 30 dollars pour les obtenir, c’est bien mieux.
Un coup de tampon plus tard nous entrons officiellement au Cambodge, beau pays qui on le sait a largement souffert au cours de son histoire mais qui ne le laisse pas transparaître. Le peuple Cambodgien est composé de gens pour la plupart très doux, tout sourire et habitués à la présence des touristes, les horlogers de rue sont facilement abordables, de Sisophon à Siem Reap je vais en rencontrer une bonne vingtaine, les seuls à proposer de la montre vintage ici.
La Mido Ocean Star Commander datoday est le rare produit ancien intéressant qui émerge de leurs stocks, à se demander si cette montre n’était pas la seule distribuée dans le pays après le conflit, peut-être arrivée au poignet des Vietnamiens libérateurs qui sait ? 98% des autres montres commercialisées ici sont des contrefaçons, le Cambodge en est rempli et s’apparente à un royaume du fake à ciel ouvert, pire que tout ce que j’ai pu voir depuis le début de notre tour du monde, fausses fringues de marque évidemment, faux vieux Zippo de GI, fausses piastres indochinoise en plus de milliers (millions plutôt) de montres déchets proposées à tous les coins de rue, des copies minables en grosse majorité, inintéressantes. Les montres de meilleure qualité (mais toujours fausses) sont distribuées principalement chez les opticiens, en discutant avec eux j’apprendrai que les vintage de valeur en circulation dans le pays sont généralement rachetées et expédiées chez des marchands vietnamiens, directement prévenus par téléphone ces derniers ne se déplacent même pas. Il semblerait qu’ils raffolent des Omega Constellation Pie Pan en or massif car le modèle revient très souvent dans nos conversations. Pour ma part je ne trouve que 2 Mido en bon état, à 10 000 riels chacune (environ 20 dollars sans vraiment négocier), une 8269 (70’S) et une 8573 (80’S) accompagnées d’un lot de 5 bracelets cadeau, deux sont véritables mais fausse boucle sur l’un des deux, et les trois autres sont totalement faux. J’ai toujours adoré jouer aux jeu des 7 erreurs et j’avoue ici être comblé !! Et je vais prolonger le plaisir avec les fake de grade AA ou AAA, découverts auprès de deux marchands immigrés japonais, deux frères qui tiennent le haut du pavé de la contrefaçon des montres à Pnom Penh.
Exemple 1 :
Panerai Luminor Pam 00090 power reserve
A ma connaissance ce modèle n’a jamais été produit en noir mat et avec fond ajouré, difficile donc de s’y méprendre. Le cadran est correct, la typo des chiffres aussi mais l’indication Swiss Made est mal placée (sous les indexes à 6h). L’aiguille des minutes est trop longue et le bas de la trotteuse comme de l’aiguille d’indication de réserve de marche sont mal finies. Le boîtier mesure 44mm comme l’originale et le traitement Pvd est une réussite, très résistant et ne sent pas l’odeur de marqueur indélébile comme j’avais pu le constater sur des copies de génération antérieures. Le bracelet est un clone, sort probablement du même lieu de production des vrais je n’y voit que du feu ! Enfin le mouvement est un Seagull ST 2530, le mieux que l’usine chinoise de Tianjin puisse produire avec la copie du Venus 175, seulement la qualité du perlage comme de l’anglage des ponts laisse à désirer, aucun horloger de métier ne s’y tromperait.
Exemple 2 :
Omega Speedmaster reduced 3210.50
Avec ce modèle ça se corse, la boîte est de bonne qualité et toutes les côtes de l’originale sont respectées à l’échelle 1:1. Le cadran est surprenant, étagé avec un centre mat et le pourtour brillant, en l’occurrence très proche du vrai, et si les chiffres des compteurs n’étaient pas plus petits que l’authentique je crois que je me serais fait avoir. Un indice flagrant en revanche, les boutons poussoirs ne sont pas parfaitement ajustés, ils laissent entrevoir les canelures des tubes de guidage, jamais Omega n’aurait laissé ce détail passer. Quant au mouvement, il apporte les mêmes fonctionnalités que l’original puisque c’est un clone, à la base un Valjoux 7750 renommé par la marque Omega. La mise à l’heure sur l’exemplaire qu’il m’a été donné de tester laisse à désirer, les aiguilles tournent trop librement, la chaussée est trop lâche le lanternage fait peut-être défaut. La masse oscillante n’est pas gravée de la marque, considérant qu’elle est cachée aucun effort n’a été fait de ce côté là.
Si je repense à la première fausse Rolex que j’ai eue en mains il y a 22 ans (Un mataf qui voulait m’échanger sa montre made in Singapore contre une boîte de mini Davidoff), en comparaison les productions chinoises d’aujourd’hui donnent l’illusion de la qualité, mais n’apporteront jamais la satisfaction de porter un vrai produit horloger au poignet, les mouvements peuvent être fonctionnels mais fabriqués à l’économie, alliages moins bons, ébats de pivots approximatifs, rubis et ressorts de barillet mal lubrifiés voire pas du tout, etc… .
Ma petite analyse terminée je me tourne vers d’autres distractions, le Cambodge a quand même mieux à offrir, une excellente cuisine, une culture fascinante, des temples magnifiques (Angkor), un club de ping pong face à l’entrée de notre hôtel… . Les vrais amateurs de montres anciennes, eux, sont ailleurs…