Les aventures du petit horloger – 16
Macao, à 1h de ferry de Hong Kong, vestige de l’occupation portugaise avec ses quartiers à l’architecture européenne, mais aussi haut lieu du gambling, un des rares endroits d’Asie où les jeux d’argent sont tolérés. Des casinos de partout qui génèrent 4 fois plus de revenus que ceux de Las Vegas. Les plus fortunés s’y ruent pour dépenser et le plus souvent blanchir l’argent amassé du développement ultra rapide de leurs entreprises et d’une corruption quasi généralisée. Que des chinois ici. Beaucoup de montres de luxe aussi. On les trouve aisément au pied des casinos ou palaces, disponibles dans plus de 300 pawn shops ouverts 24/24h et autant de bijouteries spécialisés qui profitent directement des gains ou pertes des joueurs.
Sans faire de calcul savant on peut facilement évaluer le nombre de montres dans cette ville : plus ou moins 1 million dont 80% de neuves, et principalement des grandes marques. Encore plus de Patek et de Vacheron Constantin qu’à Hong Kong, à côté les Rolex et Omega sont vendues comme le sont des Louis Pion chez nous, soit des produits « populaires » sans aucun intérêt. Mais alors comment transitent toutes ces montres jusqu’ici ? Un marché gris est à l’origine de ce traffic, des circuits de distribution parallèles comme ceux utilisés sur le net. Ici à Macao les Pawn shops rachètent de gros volumes de marchandises auprès d’un ensemble de boutiques agréées du monde entier, qui elles ont du mal à vendre les quantités que les marques leur ont imposées. Une fois attribuées aux revendeurs, ces marchandises ne sont plus soumises à aucun diktat et libres d’être vendues à n’importe quel prix.
Du coup les tarifs des Pawn shops sont alléchants et en plus négociables. Je me prête au jeu. Exemple avec deux montres qui me sont familières, une Tudor Monte Carlo heritage très peu portée affichée à 2900 euros sans papiers, je la baisse à 2500. Une Speed reduced Schumacher Racing passe de 1600 à 1300 euros en 5mn. Un gousset Patek or neuf à 60 000 euros peut aussi représenter une bonne affaire pour un marchand international qui aurait déjà trouvé son client. Je n’ai aucun doute sur l’authenticité des produits, par contre je pense qu’au regard des prix pratiqués on perd la garantie constructeur, pour peu que la carte ne soit pas tamponnée… .
La plus grande concentration de Pawn Shops se situe derrière l’hôtel Lisboa, ils s’étendent vers l’Est sur un bon km. Parmi eux je note une minorité qui n’a rien à voir avec les prêteurs sur gage traditionnels, plus petits que les autres et disposant d’un type de marchandise unique : des montres Emporio Armani, Guess ou pire, leurs cadrans délavés et verres opacifiés par les rayons uv, j’en déduit que ça fait un bout de temps qu’elles sont là. C’est pas net. J’apprendrai par un article émanant de Reuters qu’en réalité les joueurs de Casino se rendent dans ces Pawn shops de façade pour y faire des achats fictifs et par la même retirer de fortes sommes d’argent sans en passer par les banques, du coup moins traçables.
1h00 du mat. Après avoir visité une centaine de boutiques le désespoir me gagne, y’a rien pour me plaire ici, c’en est bling bling à me dégoûter des montres, de plus les vendeurs sont collants, je les imagine soumis à des objectifs inatteignables… Jusqu’à apercevoir une vintage planquée dans un recoin de vitrine. Apparue comme un oasis dans le désert, c’est une dress watch à l’état neuf ou presque, de marque Rodania, automatique et produite entre 1960 et 1969. Le vendeur en baissera spontanément le prix de 1500 à 900, je l’obtiens au bout du compte à 800 Macao dollars (80 euros), plutôt content de ma chasse car le challenge de trouver une seule vintage dans cette masse de montres me semblait au départ impossible