Les aventures du petit horloger – 8
Si le traffic paraissait dense aux États-Unis, là au Mexique c’est puissance 4. En cause une qualité d’infrastructures moindre et un degré de pollution élevé au point que mes yeux et naseaux picotent sévère. Chaque arrêt ou ralentissement sur la route est une occasion d’être sollicités pour des boissons, friandises, journaux, jouets, battes de baseball, masques de catcheurs, tout y passe, les vendeurs se faufilent de partout, l’ambiance des rues me rappelle vaguement la Tunisie. Après 5 jours passés dans la ville colorée et pittoresque de Guanajuato nous nous dirigeons vers Mexico City. Les recommandations de sécurité font que nous choisissons de loger dans un quartier de bon standing avec gardien, en effet on nous a prévenu que les enlèvements contre rançon sont monnaies courantes ici. On m’a dit de me méfier de la police aussi, la corruption a atteint des sommets dans leur profession, d’après les statistiques 8 sur 10 sont de purs ripoux.
Ce qui va se vérifier dès le premier jour : notre voiture de loc soi-disant mal garée me vaut une contredanse avec convocation au commissariat, je me dis pas grave, l’agence gérera l’amende et nous la paieront indirectement… Oui sauf que ces flics mexicains m’ont piqué les 2 plaques d’immatriculation j’en crois pas mes yeux ! Je risque gros à rouler sans, de quoi m’obliger à me rendre au commissariat pour les récupérer, devoir négocier avec mon espagnol minable et potentiellement me faire dépouiller. Je raconte ma mésaventure au gardien de mon immeuble, un certain Miguel (arborant une belle fausse Daytona au poignet en passant). Il me fait comprendre que pour arrondir les fins de mois les autorités sont prêtes à tout ici, et les touristes des cibles faciles. Le gardien me propose alors un deal, j’en attendais pas moins : pour 500 pesos il me propose de se rendre lui même au commissariat muni de la carte grise et du pv, et de récupérer mes plaques. Je n’hésite pas une seconde, je préfère largement cette solution que de devoir payer le triple de cette somme. Le lendemain l’affaire est close, je remercie vivement Miguel tout en sachant qu’il s’est sucré au passage. Les plaques remontées je restitue le véhicule à l’agence vite fait bien fait, considérant que me déplacer en taxi sera bien plus tranquillisant. Malgré cet épisode facheux, Mexico City figure être une ville agréable à vivre, les gens sont d’un naturel accueillants et serviables à condition de ne jamais être pressés : pour toute requête on ne vous répondra jamais par ahora (en espagnol tout de suite) mais par ahorita, ce qui signifie que vous pouvez tout aussi bien attendre 1mn qu’1h !
Les puces de la Lagunilla sont surprenantes, un joyeux bordel organisé : musique à fond de partout à vous faire saigner les tympans, des allées de stands de films piratés qui n’en finissent plus, marchands de bouffe à 2 euros le plat boisson comprise, etc… . Et dans l’espace réservé aux brocanteurs, une belle trouvaille, une Enicar à boîtier assymétrique état proche du neuf, mouvement Eta verre minéral, pour 35 de nos euros. Curieux le broc se fait un signe de croix après que je l’ai payé, ce qui me fait dire que l’affaire était très bonne pour lui aussi ! Mes démarches horlogères vont me conduire ensuite dans le centre historique de la ville, je m’y rends à pied, soit 45mn de marche au travers de commerces organisés par secteur d’activité. Le quartier des détaillants de pièces auto s’enchaîne avec celui des électriciens, les boutiques se comptent par centaine, il serait impossible de ne pas trouver l’interrupteur ou la prise recherchée. Dans la continuité, le quartier des bijoutiers enfin, rue Tacuba, un must ! Je les fait tous, un par un, j’y croise une majorité de Rolex à prix inférieurs à ceux pratiqués en Europe, cependant je ne commerce pas encore sur ce créneau, les révise, sans plus. Je regrette dans la masse des boutiques de ne pas trouver plus de vintages accessible et à mon goût… . Une petite Cosmotron peut me servir pour pièces, à 200 pesos je ne crache pas dessus mais il m’en faut un peu plus pour me satisfaire. Jusqu’à ce qu’au bout d’une bonne heure de recherche je découvre au bout d’une entrée d’immeuble mal éclairé une dizaine de mini boutiques répartis sur 2 étages. Le repaire des fournituristes horlogers ! Des milliers de bracelets cuir de toutes qualités, vendus dans des bacs, de 30 à 150 pesos l’unité, 10 à 15 fois moins cher que le prix pratiqué en boutique chez nous, à qualité égale j’entends. J’en prends une vingtaine ils me serviront pour la suite du voyage. Pour ce qui des outils y’a tout le nécessaire d’horloger, des prix plus accessibles qu’en France sauf sur le Bergeon, une marque qui a visiblement fait le choix de s’indexer sur le cours de l’or… .
Au deuxième étage une bonne surprise, un horloger spécialisé vintage, José Louis Sorian Marchan, bel atelier établi et vitrines en bois et quelques belles pièces comme j’aime, Omega et consœurs pour toutes les bourses, et à 30% moins cher que sur Ebay en moyenne. En parallèle des montres il me propose une boîte de pièces détachées en vrac pour calibre Valjoux 72 à 7000 Pesos, le hic il ne prend que du cash, j’ai pas la somme sur moi et l’ami José ferme dans 10 mn, je me rabat alors sur une belle Tissot à 1700 Pesos, prête pour la revente au double. Il y a bien une Seiko Kakume qui me fait de l’œil aussi, cadran champagne verre et lunette tachyméțrique impec, avec comme seul bémol l’aiguille chrono qui s’est faite la malle. Il veut l’équivalent de 280 euros, je lui note 200 (ce qui me reste) sur un bout de papier. José prend son traducteur google et me pointe le texte traduit de l’espagnol sous les yeux » même pour 250 euros je me fais le plaisir de la garder ». Je manque de rire car pour moi la formule signifie qu’il n’est pas prêt à vendre à ce prix. En fait si (le traducteur a déconné), il propose de me la mettre de côté à 250 pour ma prochaine visite, j’accepte dans une poignée de main chaleureuse… .
Il n’y aura malheureusement pas de prochaine visite dans l’immédiat, à cause d’un aller retour à Cancun qui prendra plus de temps que prévu. Ce n’est que partie remise, j’ai beaucoup aimé cette ville et je pense que j’y reviendrai…