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Le désert marocain en Piaget

Mar 9, 2023

– 5 jours dans le désert marocain –
 
Comment j’en suis arrivé là c’est tout simple, ce voyage m’a été offert par ma femme, elle même l’ayant fait en solo 3 mois plus tôt. Je comprends dans les grandes lignes que je vais me rendre dans le désert marocain, à la limite de la frontière algérienne, sans smartphone ni le moindre lien avec la civilisation. Là-bas pas d’alcool, pas de drogues, pas de viande, peu de sucre autre que celui des fruits ou du thé des touaregs qui nous accompagneront. Pas de douche mais des tentes confortables. Le but : un break total. Ça ne peut que me faire du bien.
 
Avec moi ma rare Piaget des années 40, et 6 candidats à l’aventure, 2 filles 4 garçons, de parfaits inconnus. Le boss de l’expédition, en plus d’organiser la méharée, m’est présenté comme un coach cérébral, aie aie aie je le sens pas, j’imagine le gars avoir la capacité de te retourner le cerveau, un peu flippant. Son nom Kim Bennour, spécialiste du mentoring et conférencier auteur d’un livre à succès. En fait un dingue du développement personnel et fondateur du mouvement SDAM (fonce ! en algérien). Il a construit un programme complet pour nous, et ça, je ne m’y attendais vraiment pas.
 
Moi, Le développement perso m’a toujours rebuté. Pourquoi ? Car de 1 c’est le truc en vogue dont j’ai tendance à me méfier, notamment à cause de ses dérives et de la machine à fric que ça représente, et en 2 je n’ai jamais ressenti le véritable besoin de réclamer de l’aide auprès d’un pro, estimant j’avoue avec une pointe d’orgueil pouvoir me débrouiller seul en toutes circonstances. C’est ce qu’a fait mon père, cherchant ses inspirations dans ses lectures, et c’est aussi ce que j’ai toujours fait.
Comme lui des chemins j’ai emprunté, guidé par le hasard, beaucoup de chemins et dans beaucoup de directions. Le désert c’est un peu ça aussi, il symbolise l’évasion à l’état pur, pas de route, pas de signalisation, pas de limite non plus.
Kim a prévu pour nous bien plus que de la marche et de la contemplation de soleils couchants, son intention est de nous reconnecter à nous mêmes, exit l’ego, exit le mental, exit le brouhaha de nos vies occidentales. Travailler sur nos 5 blessures émotionnelles sera la première des actions, nous en avons tous à plusieurs degrés différents : injustice, rejet, humiliation, trahison et abandon, des failles qui sont et qui resteront tout au long de notre vie. Bien évidemment j’en ai. Au travers d’exercices quotidiens nous allons les déceler, les conscientiser, et plutôt que de les mettre en sourdine comme on fait souvent, les laisser définitivement dans le désert. Car le désert absorbe tout.
 
Kim me fait la remarque que je suis souvent dans ma bulle, je lui rétorque que c’est une constante chez nous horlogers, visiblement une race qu’il découvre à peine, plutôt habitué à d’autres catégories de chefs d’entreprise.
Avec bienveillance il nous pousse dans nos retranchements, libère la parole au travers de thèmes universels : vie, relation aux autres, mort, religion ou absence de religion dans mon cas, et bien d’autres choses. Parmi les exercices soft la marche en duo, alternée de jour en jour avec un nouveau partenaire. En résulte des discussions très variées en toute sincérité, comme dit Kim ici dans le désert 0 bullshit, on parle droit, on peut tout et vraiment tout se dire. Un long débriefing suit systématiquement.
D’autres expériences sont totalement insolites, je ne peux les dévoiler ici. La résultante est qu’on a beau jouer les durs, garçons comme filles, on a tous fini par chialer comme des bébés, à faible et même à gros débit pour certains. C’est raide, éprouvant, douloureux, d’autant plus que les peines vécues par les autres me touchent énormément, je suis une éponge. Passé ça tout va bien mieux, et curieusement nos échanges ont créé des liens au point que ces 4 jours intemporels ont suffit à transformer notre petit groupe en famille.
 
Jour 5, dernier jour de l’aventure. En guise d’intégration, nous marchons seuls en silence pendant 2 bonnes heures derrière Mouloud. Le Touareg en chef apparaît puis disparaît d’une dune à l’autre, j’ai 0 repères et le perdre de vue serait fatal.
Le cadre est magnifique, au loin la découpe rocheuse qui forme la frontière avec l’Algérie m’évoque la ligne de mon chronocomparateur, +2s/jour, c’est parfait. Un petit oiseau siffleur m’accompagne aussi, je ne le vois pas mais son chant est bien présent. Dans ces moments-là je me dis que j’ai la chance d’être en vie.
 
La Piaget, ma montre grigri et ses 80 ans au compteur a bien supporté les conditions du désert. Grâce à sa couronne et son fond étanche aucun grain de sable n’est venu s’introduire, quelques fines rayures inévitables sur le plexi, sans plus. Un bémol : j’ai constaté 3mn de retard en fin de séjour, probablement l’influence des écarts thermiques jour/nuit sur le spiral du balancier.
Quand j’observe les touaregs et leur décontraction, parfaite illustration du bien être, je me dis que la montre était de toutes façons de trop. Comme ils aiment à le dire : nous avons les montres, eux ont le temps… .
 
Un grand merci à Maïlys 🥰, Kim, Ludovic, Violaine, Rhabee, Deolinda, Thomas, Mouloud et son équipe de Touaregs pour le cadeau de cette aventure humaine.

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